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mise à jour :

3/4/2004

 

 

Interview réalisée par Chrystel Camus des éd. Nestiveqnen en 2001

Nesti : Tu es très impliquée dans l'univers de la fantasy (Faeries, œil du Sphinx...), comment fais-tu pour écrire autant ?

Claire : J'ai le double avantage d'avoir un emploi qui me permet d'écrire, et un tempérament lunatique m'offrant des périodes pendant lesquelles je décroche complètement de la vie quotidienne pour me plonger dans des univers qui me sont proches et dans lesquels, disons, je me sens plus à l'aise, chez moi. Autrement dit, j'utilise l'écriture pour m'en aller voir ailleurs. Le besoin d'évasion s'alliant à merveille avec un imaginaire quelque peu débridé, j' écris beaucoup, ce qui nécessite un tri vigilant.
Par ailleurs, quand un sujet m'intéresse il occupe tout mon esprit pendant quelques semaines, et j' ai besoin de l'explorer. J'aime bien farfouiller, creuser, me faire une idée aussi précise et exacte que possible du sujet et de ce qui a été écrit dessus. Une façon pour me faire ma propre idée après, et éventuellement pour l'inclure dans mon univers perso. Je suis comme une encyclopédie ambulante pendant tout le temps durant lequel le sujet me passionne, puis je passe à autre chose ce qui nécessite un " archivage " de mes notes.
C'est pourquoi je ne suis spécialiste de rien (sinon de mes propres créations) mais amateur de beaucoup de choses, au sens noble du terme. Chaque sujet qui me passionne sur le coup fait germer des idées ou des images qui me serviront plus ou moins consciemment, plus tard, dans un récit. Toute la journée j'accumule des images ou des débuts de phrases qui me trottent dans la tête, nées d'une association d'idée qui souvent n'avait rien à voir.

Nesti : Tu as mis longtemps pour écrire l'Échiquier d'Einär ?

Claire : Un peu plus d'un an. Mais à l'époque j'écrivais de façon quasi continue, trois ou quatre heures par nuit tous les soirs, reprenant pile-poil là où je m'étais arrêtée la veille. C'était assez fluide et je baignais dans mon récit. Ensuite, il a fallu faire pas mal de coupes, et surtout choisir ce qui n'intéressait que moi et ce qui était essentiel pour partager mon récit avec d'autres ! Désormais, je travaille plus lentement, je fais plus attention à ce que je raconte, pour ne pas me perdre dans mes propres univers au risque d'égarer le lecteur avec ! (rire) Je veux dire qu'écrire pour moi seule, comme ce fut le cas pour l' Echiquier, c'est une démarche tout à fait différente que de savoir que, désormais, j'écris aussi pour que d'autres me lisent.

Nesti : Le deuxième volume, c'est pour bientôt ?

Claire : Le second volet s'intitule " La Clef des Mondes ", et devrait sortir avant l'été.

Nesti : Combien y aura-t-il de volumes à La chronique Insulaire ?

Claire : Trois, je pense. Le dernier tome s'intitulera " Sang d'Irah ", et reviendra en détail sur l'histoire de Duncan d'Irah et d'Akhéris, et sur les Trolls Lycanthropes dont il est un peu fait allusion dans les deux premiers volumes. Ensuite, je voudrais passer dans un mode plus " fantastique ", sans m'interdire, de temps en temps, d'écrire d'autres chroniques insulaires. Il est toujours bon de se ressourcer.

Nesti : Retrouvera-t-on des personnages que l'on avait rencontrés dans le premier volume ?

Claire : Évidemment, tous ceux qui appartiennent à la Plaine du Dragon sont omniprésents, et ne se gênent pas pour donner leur avis, notamment Duncan d' Irah. Le dieu Wilfredion et le dragon Bromatofiel sont partie prenante dans l'histoire, ainsi que d'autres personnages évoqués dans le " prologue " (c'est ainsi que je conçois l'Échiquier d'Einär), tels que Iwàn, Jehor etc.
Le récit se partage entre les différentes dimensions issues de la Scission des Mondes opérée à la fin du premier tome : le monde mental propre aux dieux et à la Mémoire reste essentiel, mais le Vieux Monde elfique et le Monde d'En-Bas (celui des Hommes) impliquent toutes sortes de nouveaux personnages poussés par d'autres préoccupations que les seuls plans divins.

Nesti : Tes univers sont grandioses, sans limites, avais-tu déjà tout ton monde en tête quand tu as écrit l'Échiquier d'Einär ?

Claire : Comme beaucoup l'ont remarqué, l'Échiquier est émaillé d'allusions au passé des personnages. Je ne peux pas concevoir des histoires où les héros - bons ou mauvais - sont de simples alibis, des stéréotypes. Je déteste lire ce genre de bouquin creux. C'est pourquoi chacun de mes personnages (et lieu) possédait déjà sa propre histoire avant la rédaction de l'Échiquier. Ça leur donne une dimension " humaine ", avec les forces et les faiblesses de tout un chacun, et des raisons pour chacune d'elles. Ils sont différents les uns des autres, car leur histoire l'est.
Je ne peux pas tout dire sur tous dans un seul roman, mais le fait de les avoir en tête, comme s'ils avaient réellement vécu avant d'entrer en scène, me permet de titiller l'intérêt des lecteurs sur d'autres personnages que le seul " héros " principal que l'on retrouve généralement dans les romans de fantasy.
L'idée est que chaque pion, sur l'échiquier, est important, même s'il semble n'être qu'un second rôle. Vous seriez étonnés d'apprendre combien de gens ont voulu en savoir davantage sur Illwë, ou sur Tihi, qui n'ont qu'un " petit " rôle dans le récit.
De même, j'aime que chaque lecteur puisse choisir son personnage préféré, son héros. Pour l'Échiquier, il y a les supporters de Razavel, ceux d'Akhéris, les amateurs de dragons, les fans d'Einär, les inconditionnels du faune Modar ou de Duncan d'Irah. Si le lecteur peut aller au-delà de l'histoire de surface, et laisser vagabonder son imagination au gré des pistes que je lui propose dans les notes, sur les cartes, dans les descriptions, dans les évocations, j'aurai gagné, et réellement créé la Chronique Insulaire.

Nesti : Que lis-tu ? Quels sont tes auteurs préférés ?

Claire : Je lis peu de romans, principalement parce que j'ai toujours peur qu'il y ait confusion involontaire entre ce que je suis en train de lire et ce que je suis en train d'écrire, par " imprégnation ". Par contre, je suis une grande admiratrice de Tolkien, et je reste fascinée par l'élaboration de son univers. J'ai pris mon pied en lisant et en relisant ses œuvres, mais ce qui m'intéresse le plus, c'est sa démarche créatrice. J'ai beaucoup lu Lieber, Burroughs, Farmer, Herbert, Poe, Moorcock, LeGuin, Tanith Lee etc.
Le dernier auteur de fantasy qui m'a intéressée était Feist. En règle générale, j'aime que la fantasy SOIT de la fantasy, c'est-à-dire qu'il y ait création d'un univers, et non la récupération des décors de Tolkien (par exemple) ou du pseudo médiéval-fantastique sans originalité dans le fond.
Faire se balader un groupe de héros dans un paysage type, avec une mission ne servant que de prétexte à des aventures, ça ne m'intéresse pas. Ça peut être plaisant sur le coup, mais dès que le livre est fini, on l'oublie, non ?
Comme je le dis plus haut, j'aime bien pouvoir me promener encore un peu en allant au-delà du livre proprement dit : un roman, c'est une clef sur un autre monde, normalement, non ?
Par contre, je suis souvent fourrée dans l'Edda de Snori Sturluson, et dans les traductions des grandes sagas scandinaves par Régis Boyer. J'aime aussi me promener dans des bouquins comme le dictionnaire des lieux imaginaires de Manguel et Guadalupi etc.

Nesti : Écris-tu des nouvelles ?

Claire : J'en ai écrit, pour le fandom, mais j'ai toujours eu beaucoup d'admiration pour les nouvellistes, car c'est un genre très difficile. Moi, j'ai besoin d'espace, en écriture. Je suis trop bavarde pour écrire de bonnes nouvelles (rire) ou même des histoires courtes. Si je m'amuse de temps en temps à cet exercice, c'est pratiquement toujours avec un fond de fantastique, comme la nouvelle publiée cet été par la revue quebecoise SOLARIS.